Les achats d'obligations souveraines du Quantitative Easing sont accusés par certains d'augmenter la dette publique. Ce n'est pas exact puisque les acquisitions se font sur le marché secondaire. Il est vrai en revanche que libérer le marché secondaire, peut inciter les états à réaliser au delà du raisonnable des émissions d'obligations nouvelles à des taux très bas.
Dans les faits, les opérations de monétisation de la dette augmentent le bilan de la banque centrale et accroissent la masse monétaire avec de la monnaie créée à partir de rien. Quand le Quantitative Easing augmente la masse monétaire globale de 50 %, les dettes, et l'ensemble des biens, des services et des revenus du pays concerné, s'en trouvent dévalorisés de 33.33 % si leur quantité globale ne grossit pas. Il y a bien dans ce cas, une fois et demi plus d'argent en circulation pour les payer ou les couvrir.
Si de nouvelles dettes sont créées dans la limite d'un bon contrôle budgétaire, le Quantitative Easing les dévalorise dans le même temps en monnaie constante puisque la masse monétaire a pris plus l'ampleur que le volume de dettes générées.
La quantité de biens, de services et de revenus grossit également moins vite que la masse monétaire dans l'économie actuelle. Les prix faciaux pour les biens, les services et les revenus sont donc sensés augmenter en proportion de la masse monétaire. Si cela ne se réalise pas immédiatement, c'est tout simplement parce qu'il existe des trappes à liquidités et que la cinétique monétaire réduite dans un environnement récessif et pré-déflationniste freine la circulation de la monnaie.
En revanche, à moyen terme, lorsque la cinétique monétaire augmente, le dévalorisation de la dette en valeur réelle se développe. Dévaloriser la monnaie en valeur constante par l'achat de dettes en créant de la monnaie permet donc, tôt ou tard, à la dette de diminuer en monnaie constante. Cela n'a de sens que si les états émetteurs n'en profitent pas pour émettre plus de dettes qu'ils ne produisent de richesses. C'est tout l'enjeu des pressions faites par l’Allemagne auprès de ses partenaires sur le contrôle des budgets et les réformes de structure.
La clé de la réussite de la monétisation dans le contexte d'un budget équilibré est de l'appliquer en quantité suffisante pour augmenter la cinétique monétaire et faire ainsi monter le prix des actifs, induire un cercle vertueux, montée des prix et des revenus, augmentation des recettes fiscales et amélioration des possibilités de maîtrise des équilibres budgétaires en monnaie courante. C'est à cette seule condition qu'elle peut faciliter le désendettement des états et acteurs privés en monnaie courante.
Pour cela, il faut toutefois un choc inflationniste significatif pour que la valeur courante des biens et des services augmente d'au moins deux pour cent par an (plus en réalité), cible actuelle des banques centrales. D’où les volumes considérables engagés dans les différents programmes d'expansion monétaire pour cultiver une inflation sans laquelle les dettes vont se renchérir et devenir irrécouvrables, occasionnant une crise systémique majeure bien plus grave que la crise de 1929 si l'on tient compte des leviers en jeu. Cela explique la politique ultra expansionniste de la BOJ qui, engluée dans la déflation depuis 30 ans pour avoir commencé 15 ans trop tard et de façon très insuffisante le traitement non conventionnel de sa bulle immobilière, ne cédera plus sur la cible d’inflation au Japon. La BOJ ne se fixe, aujourd'hui, plus de limite pour rétablir un environnement inflationniste adapté. Elle a pour moi parfaitement raison.
Le risque bien identifié de cette politique est de voir l'inflation enfler et devenir incontrôlable. Cette incertitude justifie pleinement la détention d'or physique. C'est ce débat sur les risques d'inflation de sortie de crise qui prévaut aujourd'hui à la FED et conditionne le calendrier de la prochaine hausse des taux. C'est aussi devenu la crainte des allemands en Europe.
La précision du pilotage monétaire de la FED est toutefois impressionnante si l'on s'en tient aux statistiques économiques : croissance du GDP à 3.5 %, taux de chômage à 5.8 %, NFP à 214 k et une inflation qui se normalise sans excès pour l'instant.
Bien sur, on peut contester les chiffres, prédire le pire pour le futur, mais force est de constater que l'Europe qui a tardé à mettre en place une monétisation significative est en bien plus mauvaise posture que l’Amérique. Quand on voit l'évolution récente et très favorable des méthodes non conventionnelles de Ben Bernanke sur l’économie des USA, on comprend qu'on ne doit pas, non plus, en utilisant des discours simplistes, prendre les banquiers centraux pour des imbéciles, et qu'il faut plutôt écouter Krugman que ressasser Hayek.