Par Jean Christophe Bataille
L'essoufflement de l'économie américaine fait craindre une nouvelle baisse du PIB des pays de l'OCDE pour les trimestres à venir. La croissance est faible un peu partout en occident et les marchés ont repris la direction du sud. Si le scénario de double dip est possible, quelle va être l'évolution des monnaies occidentales ? Vont-elle se valoriser dans le cadre d'une déflation ou poursuivre leur dévalorisation par l'inflation. L'inflation régne en maitre depuis 50 ans dans les pays développés sauf au Japon. Nous pensons que la tendance à la contraction de la masse monétaire qui pourrait survenir aux USA en cas de nouveau plongeon de l'activité ne peut être que de courte durée. Quatre raisons essentielles :
1. Le monde est inflationniste
Depuis la disparition de l'étalon or et l'avènement des réserves fractionnaires, la monnaie perd constamment de sa valeur. Les gains de productivité, l'apport des coûts de production très bas des émergents ces dix dernières années, l'importante crise de l'octroi du crédit et la chute de la demande de 2008 n'ont pas pu interrompre ce phénomène. Seul un retour à un système monétaire à réserves pleines pourrait bloquer cette tendance. Je renvoie une fois de plus mes lecteurs à cet article écrit l'an dernier : Le monde est inflationniste.
2. Le taux d'épargne et le deleveraging ont un effet limité
En 2010, les prix à la consommation ne baissent toujours pas malgré l'important deleveraging à l'oeuvre dans certains pays occidentaux comme les USA, l'Angleterre ou encore l'Espagne. L'Angleterre au contraire souffre d'une inflation trop importante. La formidable injection de monnaie réalisée par les banques centrales et la bonne tenue des pays émergents désormais dynamisés par leur consommation intérieure et leur capacité à financer leur croissance en fond propre constituent bien sûr des supports évidents à cette stabilité des prix.
Certains analystes comme ceux de Natexis pensent que l'augmentation du taux d'épargne des ménages et des entreprises pourrait alimenter une possible déflation. Je n'y crois pas pour deux raisons :
- La montée du taux d'épargne des ménages dont souffre l'occident n'affecte en aucune façon les pays émergents qui au contraire vont tendanciellement dans le sens d'une diminution de leur épargne.
- L'augmentation du taux d'épargne des entreprises génére, quant à elle, un effet inverse sur les prix car les industriels en freinant leurs investissements organisent les sous-capacités de production à venir. Toutes les informations que je recueille sur le terrain dans l'industrie se recoupent : pour maintenir leurs prix, les industriels du monde entier cultivent la pénurie en terme de capacité et n'investissent pas dans leur appareil de production si ce n'est pour améliorer leur productivité. Les entreprises privilégient donc leurs marges en ne cherchant pas à augmenter leurs volumes de vente. L'objectif est évident : ne pas pas être en surpacité en cas de baisse inattendue de la demande. Les leçons de la crise de 2008 ont porté ... Ce phénomène est évident dans le domaine du pétrole où l'investissement diminue comme peau de chagrin mais il touche désormais de nombreux secteurs économiques comme celui de l'electronique. Coté clients, la demande augmente fortement chez les émergents même si elle stagne chez les occidentaux et, au global, reste en croissance. Les surcapacités de production avancées par nombres d'analystes pour justifier une possible future baisse des prix sont donc en train de fondre comme neige au soleil.
3. L'inflation importée est inéluctable.
Nul doute pour moi que l'augmentation des coûts de main-d'oeuvre chez les émergents et la montée du prix des matières premières vont arriver massivement en occident par cargos interposés. Le glas de la stabilité des prix sonnera le jour où le pétrole commencera son ascension. Les salaires occidentaux suivront obligatoirement la montée des indices officiels des prix à la consommation par une indexation à laquelle les employeurs ne pourront pas se dérober, quel que soit le taux de chomage.
Dans les pays qui, comme la France, ne sont pas soumis à un fort deleveraging, les prix de l'immobilier, même s'il sont susceptibles de subir une brève correction en cas de double dip, devraient continuer à augmenter en monnaie courante, protégeant ainsi partiellement le capital, mais ils devraient, à terme, baisser en monnaie constante pour réintégrer sur le très long terme le canal de Friggit.
4. La fuite devant la monnaie
L'issue programmée de l'augmentation des prix par la montée du coûts des salaires et des matières premières pourrait être accélérée par un autre phénomène beaucoup plus dangereux celui-là : la fuite devant la monnaie. Un certain nombre d'initiés savent aujourd'hui que l'émission massive de monnaie de ces dernières années a dilué de façon considérable la valeur de celle-ci. Ce raisonnement simple est pour l'instant porté par quelques investisseurs qui essaient de se prémunir de cette dévalorisation par la vente d'actifs monétaires et l'achat de biens tangibles : depuis 2003, achat d'or physique ou papier, de matières premières et depuis peu, achat de biens immobiliers cash avec des fonds auparavant placés en euros ou en obligations. Cette fuite du cash vers les biens tangibles de peur de voir la monnaie se dévaloriser pourrait gagner la masse des épargnants qui prendraient conscience à leur tour de la récente accélération du délitement des monnaies. L'effet mécanique de cette perte de confiance serait de faire monter le prix de tous les biens puis ceux des produits de consommation courante.
Nous n'en sommes pas là, mais l'augmentation récente des prix de l'immobilier en France correspond à une montée en puissance de ce phénomène de défiance monétaire.