Par Jean Christophe Bataille.
Les analyses économiques réalisées à partir de constats émanant du terrain ont toujours plus de sens. J'ai parlé récemment des tensions à l'approvisionnement chez les sous-traitants des grosses
sociétés occidentales dans les pays émergents. J'ai également dit que ces tensions étaient dues à la baisse des capacités de production qu'avait occasionnées la crise de 2008
(licenciements, fermetures d'usines etc ...).
La tension entre acheteurs et fournisseurs est telle dans certaines branches de l'industrie comme les PC et les téléphones portables que les prix ont grimpé et que les délais de livraison se sont
allongés. Devant ce phénomène, les grosses entreprises ont passé des commandes plus importantes en volumes que ne l'auraient justifiés leurs besoins.
Cette inflation de commande s'est développée sur tous les maillons de la supply chain, du producteur de matières premières à tous les sous-traitants industriels intermédiaires. Le résultat à
venir de cette pénurie de production est donc paradoxalement un gonflement des stocks qui risque de toucher de nombreux secteurs.
Sans préjuger de l'évolution de la demande en 2010, nous pouvons déjà être certains que les "Business Inventories" vont être excessifs et que les sociétés vont être amenées à baisser sensiblement
leur prix en 2010 par effet de balancier.
Les baisses actuelles de l'index des semi-conducteurs, du Baltic Dry Index et pourquoi pas la hausse des stocks de pétrole brut de la semaine dernière pourraient trouver leur origine dans ce
mécanisme.
Si la demande venait à faiblir avec le tour de vis monétaire chinois ou une hausse des taux occidentaux, les choses deviendraient plus graves car la production s'adapterait à la baisse,
pénalisant l'emploi et réduisant la demande finale. Ce serait d'autant plus récessif que les entreprises, prenant conscience du caractère dépressif de la crise, contracteraient leurs
investissements, comme le fait Michelin actuellement.
C'est pourquoi j'attends, en terme purement monétaire, une deuxième poussée désinflationniste pour 2010 avec ou sans rechute de l'économie. Elle devrait se faire sur l'indice des prix à la
consommation et sur un certain nombre d'actifs comme les actions.
Elle pourrait s'accompagner mais ce n'est pas encore certain d'une deuxième chute de la croissance si la demande des émergents ne suffit plus à compenser la stagnation occidentale. Rappelons
toutefois que la croissance chinoise avoisine probablement 10 % et que la Chine produit 13 % du PIB mondial, les BIC (Brésil Inde Chine) en représentent 21 % quand les US ne dépassent plus 20 %.
Le pire n'est jamais certain et la précision du pilotage des taux chinois va conditionner l'évolution de l'économie mondiale.
Attendez vous ensuite à une nouvelle production de billets en occident et un découplage encore plus important avec les émergents. Viendra après le temps de la crédibilité des états et de la
capacité des banques à assainir véritablement leur bilan. Mais malgré l'énergie développée actuellement par les Hedges Funds pour couler les monnaies, ce développement est plutôt à reporter
à 2011.
Nous restons donc majoritairement en cash sur les patrimoines types, prêts à saisir les opportunités de baisses suffisantes sur les actifs tangibles.
L'or a atteint un plus haut en euros récemment, montrant une fois plus son caractère monétaire et protecteur contre la chute des devises.
Les défensives que nous détenons à 4 % du patrimoine bénéficie de la rotation sectorielle et jouent leur rôle stabilisateur dans la rechute actuelle des marchés.
La partie obligataire indexée constitue un facteur de protection contre la hausse des taux à venir.
La partie obligataire sur les émergents profitera de l'appréciation des grandes monnaies émergentes contre le dollar et l'euro.
Notre position en matières premières à 2 % est très basse par rapport à la pondération que je souhaite installer à long terme. Nous devrions trouver de bonnes occasions d'achat dans le futur mais
comme je l'ai dit dans un article précédent, nos niveaux d'intervention devaient être relevés du fait de la dilution monétaire.
De même les 2% que nous detenons dans les émergents sont insuffisants pour le long terme. L'analyse récente que j'ai faite sur le découplage des émergents va dans le sens d'une autonomie plus
précoce que prévue. C'est le point le plus sensible de notre gestion.
Au niveau spéculatif, tout est permis. Les 2 % consacrés à la spéculation peuvent être positionnés à la hausse ou à la baisse avec ou sans levier sur différents supports diversifiés comme l'or,
les devises, les matières premières avec les CFDs, les marchés émergents avec des trackers. Il faut toutefois rester raisonnable sur les engagements et respecter les règles du money
management.
Enfin pour info, je suis en train de travailler sur plusieurs modèles de trading méthodique jouant la sécurité, reposant sur des bases théoriques solides, susceptibles d'aider les lecteurs de
Futures qui souhaitent spéculer avec les devises majeures, les matières premières sur le FOREX ou les CFDs sur indices. Nous en reparlerons.