Par Jean Christophe Bataille
Certains analystes voient dans l'introduction du quantitative easing une fuite en avant extrêmement dangereuse conduisant à coup sûr à une situation apocalyptique. J'ai déjà dit de nombreuses fois dans ce blog que ma conviction est que si cette méthode n'avait pas été utilisée, nous aurions eu à coup sur une situation épouvantable. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Arrêter le quantitative easing et ne pas soutenir la liquidité aboutirait à une rechute de la croissance et créerait un environnement à nouveau déflationniste. Pour autant, la survenue d'un cataclysme économique mondial avec une augmentation très forte de la masse monétaire est-il possible ? Je crois de plus en plus que non. Les différents acteurs de la planète s'accommodent très bien de cette pléthore de monnaie qui donne aux économies plus de souplesse évolutive. Le monde va voir son barycentre se déplacer progressivement vers les émergents. L'évolution de nos actifs et de nos économies sera tout simplement à l'image de ce que nous sommes, des sociétés en fin d'évolution, hyperprotectrices, soit en terme juridique (USA), soit en termes de couverture sociale (France), des sociétés désindustrialisés incapables de produire des produits manufacturés de base et pour l'Europe, des sociétés peu riches en matières premières. L'évolution à la hausse de LVMH témoigne parfaitement du fait que la seule chose que la France ait vraiment à vendre est l'image de son prestige passé. Nos placements domestiques ne feront pas d'étincelles quelle que soit la politique monétaire choisie. Ce sont désormais les émergents qui ont le flambeau et notre influence sur la planète, notre dynamisme ne pourront que diminuer progressivement. Nous sommes condamnés à émettre de la monnaie pour noyer la dette que nos pays ont contractée en renflouant le système bancaire. Ce faisant, on flouera les épargnants obligataires par l'inflation monétaire qui se propage actuellement dans l'économie mondiale comme l'eau s'infiltre lentement dans la roche. Fallait-il laisser tomber les banques ? Je ne le crois pas car l'effondrement du système bancaire des années 30 a produit beaucoup plus de misère que l'évolution actuelle. En cela Bernanke a réussit son pari. Il fallait toutefois, pour plus de justice, les renflouer en évaluant les actifs toxiques à leur vraie valeur et les nationaliser en contrepartie de l'argent injecté.
Ma conviction reste que la monnaie n'est qu'un moyen et qu'elle ne doit pas être sacralisée aux dépends de l'économie. Ce qui est en train de s'établir est un compromis où les créanciers émergents de l'occident voient l'épargne qu'ils ont constituée perdre de sa valeur mais qui permet à ces mêmes créanciers de conserver leurs clients. Il ne faut jamais perdre de vue que c'est l'accès des émergents à la croissance qui a tué notre industrie. C'est donc un juste retour des choses. Ce qui est en train de s'établir également, c'est un compromis dans lequel les créanciers occidentaux de l'occident voient se déliter leur épargne accumulée sur une croissance à crédit. La encore c'est un juste retour des choses.